Exposition de Mustapha Adane au Bastion 23



Exposition de Mustapha Adane au Bastion 23

Les oeuvres d’un artiste qui s’est questionné tout au long de sa vie sur le sens de la création quand elle est l’expression la plus intime de la beauté du monde et plus particulièrement d’un pays qu’on ne cesse d’aimer, ne meurent jamais.

Elles sont là, témoins intarissables et tangibles d’une quête existentielle que le créateur transforme en objets d’art qui fascinent et interpellent le regard du visiteur sur une pluralité d’expressions esthétiques. Ouverte au public depuis samedi dernier l’exposition rassemble un large ensemble de travaux magnifiques, on est d’ailleurs immédiatement saisi par les couleurs lumineuses, entrelacées qui jaillissent des tableaux qui ressemblent à ces vitraux qu’on retrouve dans les églises européennes. La démarche du peintre fonctionne comme un trompe l’oeil qui procède d’une laborieuse technique d’émaillage où se profilent des visages, des signes et des motifs dessinés sur une matière de verre travaillée avec le feu. Tel Orphée volant cette chaleur à la matière dure ou friable, l’artiste un des fondateurs et signataire du mouvement Aouchem aura dans un interminable labeur imprimé toute son énergie créatrice inspirée par tous les faisceaux de l’identité culturelle pour la maîtriser à sa convenance et façonner des images éminemment expressives. Il faut rappeler que l’art du feu reste un point commun à beaucoup de techniques artistiques dans le domaine des métaux, également la céramique, dans les vitraux et dans les maillages de l’or, l’argent et le cuivre. Le but est toujours esthétique, il consiste en la création de matières belles et inaltérables.

Cet art remonte à l’Antiquité : Chaldéens, Assyriens, Egyptiens, Phéniciens, Byzantins, Chinois, Moyen-Orientaux possédaient de nombreuses connaissances relatives à la fabrication des verres colorés, traités en pâte pour la fusion afin d’imiter la couleur de pierres précieuses : « La majeur partie de mes oeuvres sont des émaux de cuivre. Une technique de l’émaillage connue depuis des siècles dans notre pays. Les bijoux berbères émaillés sur argent étaient connus dans le Maghreb et en Orient. » Explique notre artiste qui s’applique à créer en habile artisan ses oeuvres auxquelles il adjoint des thématiques diverses sorties tout droit de l’art populaire algérien, il utilise pour ce faire de l’argent ou du cuivre délimitant le dessin rempli de pâte de verre mouillée ou en poudre (émaux opaques ou translucides) et portés à des températures allant de 750° à 955° selon le temps de fusion : « La superposition des couleurs froides et chaudes est indispensable dans l’émaillage avant toute cuisson. Une oeuvre nécessite parfois lus de 10 cuissons. Les couleurs froides et chaudes sont très capricieuses et demandent beaucoup d’attention pour l’oeuvre choisie.

Beaucoup de grands artistes tels que Braque, Picasso et bien d’autres ont utilisé l’émaillage », explique-t-il.

Ces oeuvres ainsi contemplées donne au regard cette impression d’étonnement et de curiosité face au savoir-faire déployé par l’artiste qui tout en s’appuyant sur cette technique nous produit des portraits de clowns, de guerriers numide, de magicien, d’Arlequin, d’arabesques, de masque de Sarrazin, plusieurs études sur l’alphabet berbère tifinagh, des intérieurs de mosquées, la Casbah et tant d’autres choses encore que l’on peut distinguer de manière distincte que l’on lorsqu’on recule d’un bond en arrière tant la matière contient en elle-même une certaine dissimulation des formes. Ces dernières qui vont de l’expression figurative comme ce longe panneau admirable montrant une kabyle dans son habit traditionnel à des tableaux les plus abstraits travaillent l’expression plastique sur une infinité de gammes colorées et de thème comme celui très mélancolique et tragique qui fait référence à la Palestine. Mustapha Adane dont le parcours méritoire sur la scène artistique révèle un tempérament à la fois persévérant et engagé est aussi un sculpteur, calligraphe, designer. C’est la Casbah qui la vu naître le 12 mars 1933. Alors que l’Algérie s’acheminait vers son indépendance, on lui accorde une bourse en 1960 pour suivre des études artistiques à Leipzig en Allemagne. Titulaire d’un diplôme universitaire de pédagogie artistique, de graphisme et de sculpture, il rentre, à Alger, en 1965 où il participe au vaste mouvement de l’édification nationale en s’impliquant totalement. Il est ainsi sollicité à mettre en pratique ses compétences et devient consultant de l’Assemblée populaire nationale et du Sénat.

Son professionnalisme et son sérieux lui valent d’être remarqué par le Président de la République pour lequel, il crée les attributs : chaînes, médailles, costumes. Il conçoit aussi les clefs de la ville d’Alger et enchaîne des projets de restauration de monuments historiques et dessine, entre autres, deux timbres pour la Poste algérienne.

Du : 12-02-2013
Auteur : Lynda Graba
Source : El Moudjahid (elmoudjahid.dz)