Dialogue avec mon ami le 1+9
Mais les circonstances plus ou moins imprévues peuvent créer la lourde solitude insupportable pour l'être humain, et c'est pour cette raison que, dans ces grands moments de défection, on a toujours besoin d'un substitut pour combler ce déficit causé par l’isolement. Quand l'ennui est là, avec son lot de grisaille, il nous pousse à la recherche de cette compagnie qui nous manque et nous fait défaut dans ces moments vides qu’il faut égayer et animer avec des couleurs à tout prix.
Aussi, le choix des loisirs et autres passions sont nombreux et ne se discutent pas dans une telle conjoncture maussade. Et pour combler ce vide lassant il y a les distractions les passe-temps les amusements et les divertissements et ma foi ils sont très nombreux et aussi passionnants l'un que l'autre. Mon petit loisir à moi c'est la philatélie et le grand plaisir de rassembler et de collectionner des timbres-poste dans un album pour ma passion et de les exposer et de les présenter à travers des théma-tiques plurielles dans des manifestations culturelles pour le partage de la passion et du souvenir avec les autres.
J'adore la philatélie, c'est ma première passion à qui j’ai loué toute ma jeunesse et je lui voue un grand attachement et un grand respect. Les timbres-poste, c'est toute une vie de collection attachée à la vie postale.
Et c'est pour cette raison que les philatélistes adorent et apprécient à sa juste valeur ce hobby qui les rend complètement timbrés et accros à ce violon d'Ingres.
Et pour réaffirmer cet amour passionnel en-vers le timbre-poste, je vais vous raconter une petite anecdote. Un rêve magique de philatéliste, sur une aventure avec le fameux doyen des timbres-poste surnommé par les philatélistes le «1+9», chiffres faisant référence à sa valeur et à sa surtaxe.
Ce timbre, pour rappel, a été émis le premier novembre 1962, à l’occasion du huitième anniversaire du déclenchement de la révolution. C’est le timbre-poste le plus mystérieux de l’Algérie indépendante.
Voici mon histoire. Je me rappelle encore de cette journée maussade et orageuse, j'étais assis chez moi, dans mon coin, une petite table entre les jambes, avec mon album de timbres et une petite loupe optique à la main gauche, une pince à timbres dans l’autre main avec, au bout, le timbre-poste le plus populaire de la philatélie algérienne, le «1 plus 9». J'étais à la recherche de quelques indices qui pourraient m'éclairer sur cette légende, j'étais complètement absorbé et accaparé par cette rareté qui est venu subitement animer mon rêve. Je voulais pénétrer dans son secret et dévoiler son intimité. Entrainé par ma curiosité de recherche de variétés qui font la rareté des timbres, j'entendis une petite voix qui me hélait doucement à l'oreille en me disant : «Hé Adel ! Salut !»
J'étais stupéfait : le «1+9» avait une voix ! Peut-être aussi une âme ? Je lui répondis : «Salut vieille branche !» Et à partir de cet instant, un échange de mots amicaux s'installa entre nous deux :
- Adel : «Dis-moi vieux timbre, rappelle-moi ton histoire et le jour de ta naissance à la poste.»
- 1+9 : «C’est au moment de la commémoration de la fête du 8ème anniversaire du déclenchement de la révolution algérienne que La poste m’a mise au monde dans des conditions précaires. C’était les premiers mois de l’indépendance et de la récupération de la sou-veraineté du pays. C’était aussi la période de transition et l’Algérie devait se prendre en charges et faire fonctionner ses institutions après le départ des colons du pays. Algérie poste n’est pas resté en marge et a pris ses dispositions pour émettre le premier timbre-poste algérien après l’indépendance avec ses propres moyens techniques de tirages sous la main. Il faut le dire que l’impression n’était pas très satisfaisante en design et j’étais plein de petits défauts de couleurs avec une dente-lure pas très impeccable. Disons le franche-ment, un timbre raté pour l’histoire et ma vie postale a été très courte dans l’affranchissement du courrier. On dit que j'étais très moche et raté puisque ma mère la poste m'a mise au monde dans des conditions précaires. Déjà que ma conception n'était pas terrible à cette époque, mais quand tu me parles de moment d'éclat, j'ai l'impression que tu te moques de moi. Avec toutes ces tares et ces imperfections qui m'ont rendu la vie difficile au tout début. J'ai souffert le martyre.
Il faut l'avouer que j'étais déjà indésirable 50 jours après ma naissance et retiré du gui-chet de la poste. Et pourtant, je suis l'aîné des timbres-poste indépendant et je représente la souveraineté. J'ai été dessiné par un artiste-peintre pas très connu du nom de Gilbert A. Vallée. Il m'a conçu avec un dessin représentant une carte d'Afrique avec le drapeau algérien sur un fond vert et une dentelure irrégulière. C'est vrai que je n'avais pas assez de qualité ni le design voulu pour tenir la route de l'affranchissement durant cette période de l'indépendance.»
- Adel : «Mais non, voyons ! Je dis ça parce que je t'apprécie tel que tu es ! Et tu nous apparais aujourd'hui comme un mythe toujours vivant. Tu es notre histoire et on t'accepte tel que tu es. Dis-moi, 1+9, que veulent dire ces deux valeurs affichées sur ta faciale postale ?»
- 1+ 9 : «C'est ma valeur et mon prix de vente fixé à 1 nouveau franc et en a rajouté une surtaxe de 9 nouveaux francs au profit des pupilles de la nation.»
- Adel : «Et aujourd'hui, comment tu te portes, belle rareté. Je vois que tu as embelli et que ces mauvais souvenirs certes sont tou-jours là, mais quand même, cela a servi à te construire une célébrité qui a dépassé les frontières de l'Algérie. Tu es un véritable symbole de l'histoire philatélique algérienne.»
- 1+9 : «Oui c'est ça, mais il ne faut pas le dire et pour vivre heureux, il faut se faire rare. C'est vrai que je suis mieux considéré au-jourd'hui. Je suis réhabilité, j'ai une bonne cote sur le catalogue et je vaux ce que je vaux aux yeux des fins connaisseurs. Je suis admiré par tout on a d’yeux rien que pour moi dans les manifestations philatéliques.»
- Adel : «Dis-moi timbre, tu n'as pas envie d'aller faire un petit tour dans un site aux en-chères publiques ? Comme ça, au moins, tu m'auras servi à quelque chose et tu me rapporteras quelques devises ; ce sera utile pour toi et pour moi.»
- 1+9 : «Tu es méchant, Adel ! Tu veux te séparer de moi ? Alors, tu n'es pas mon ami. Allez, remet moi dans mon support au milieu de l'album aux côtés de mes autres amis. Je suis fâché avec toi.
- Adel : «Mais non, voyons ! Beau timbre, je plaisante. Au contraire, j'ai beaucoup de sympathie pour toi et tu es très précieux pour moi au milieu de ma collection. Tiens, laisse-toi faire, je vais te soigner de ces points de rouille que tu as sur le dos.»
- 1+9 : «Merci Adel !»
- Adel : «Voilà mon petit ami ! C'est fait ! Juste un petit coup de coton tige et de l'eau javellisée. Et te revoilà aussi superbe qu'avant. Tu sais, 1+9, tu m’es très cher ! Dis-moi, 1+9, on raconte de drôles d'histoires à ton sujet. Il parait que le piquage de ta dentelure a été fait avec une vieille machine à coudre. Et qu'on ne voulait pas de toi avant même que tu ne sois imprimé et mis en vente.
- 1+9 : «Arrête de dire des bêtises, Adel ! Tu es drôle !»
- Adel : «On peut dire que ta naissance était bouleversée et prématurée. Et que tu étais déjà mort-né. Tu sais, à chaque fois que je te revois, tu m'apparais toujours mélancolique.»
- 1+9 : «Je t’en prie, Adel, ne fouille pas trop dans le passé, avec tous ces mauvais souvenirs qui refont surface, j'ai envie d'oublier et de profiter de ces moments de bonheur avec toi.»
- Adel : «Tu as raison 1+9 ! Viens et suis-moi, on va faire le chemin ensemble, voyager et admirer les autres timbres qui sont juste derrière toi et qui ont aussi une belle histoire postale à raconter aux amoureux de la philatélie. Allez viens mon ami !»
J'ouvris les yeux, je tenais toujours à la main ma loupe et ma pince avec au bout le timbre du 25ème anniversaire du timbre-poste algé-rien sous la lentille optique. Ces brefs instants magiques m'ont emporté dans un monde de rêve avec la fabuleuse histoire légendaire du «1+9» comme dans un voyage réel.
Du : 03-02-2016
Auteur : Hamid Dahmani
Source : Le Chélif Hebdo