Une collection unique de Jean de Sperati, faussaire de génie et inventeur de la philatélie d'art
Si vous n’êtes pas amateur de philatélie, le nom de Jean de Sperati ne vous dira probablement rien. Et pourtant, le talent de ce copiste hors pair est reconnu mondialement par les collectionneurs, les négociants et les spécialistes de philatélie. Preuve en est avec la vente aux enchères qui s’est tenue le 19 octobre à la salle des ventes Dame Marteau à Montpellier.
Un album de famille
Cent douze lots soit près de 2500 faux timbres ayant appartenu au célèbre faussaire ont été dispersés. La totalité des pièces a trouvé preneur avec beaucoup d’acheteurs étrangers (Allemagne, Suède, Italie) et quelques Français. Mais le lot qui a remporté l’enchère la plus forte, c’est l’album que Jean Sperati légua à sa fille Yvonne. Mis aux enchères à 10 000 euros, ce classeur contenant 235 copies, est parti à 25 500 euros. 'Un objet unique car issu d’une collection familiale' souligne Caroline Tillié-Chauchard, commissaire-priseur à la maison Dame Marteau.
Son histoire est assez rocambolesque. Volé en 1967 dans la villa savoyarde du faussaire, le classeur fut retrouvé en 2002 à New York par un ami d'Yvonne alors qu'il était destiné à être vendu aux enchères. Mais à l'époque, la justice et al famille avaient tout mis en œuvre pour que la collection soit restituée à sa propriétaire.
L'art de la contrefaçon
C’est en famille que Jean de Sperati (de son vrai nom Giovanni Desperati) a semble-t-il découvert l’art de la contrefaçon. En Italie, sa terre natale, 'sa mère et ses deux frères avaient monté 'Borsa Filatelica Toscana' (littéralement la 'bourse philatélique Toscane'), une petite affaire où ils vendaient des timbres de collection qui avaient la spécificité d'être faux nous explique le site histoirepostale.com. Démasquée par les autorités, la famille s’enfuit en France, à Paris puis à Aix-les-Bains dans les années 30.
Ayant adapté son patronyme pour lui donner une consonance française, Jean de Sperati trouve sa 'vocation' : reproduire des timbres de collections, les vendre à de riches clients et duper les plus grands experts en matière de philatélie. Plusieurs d'entre eux ont certifié comme vrais des timbres pourtant parfaitement faux. Toujours selon histoirepostale.com, Jean de Sperati 'utilisait souvent de vrais timbres de faibles valeurs qu'il décolorait pour ensuite copier les faux. Cette technique lui permettait d'avoir un papier d'origine ainsi que la gomme, le format et la dentelure.”
Démasqué malgré lui
Les affaires marchent bien jusqu'en 1942. Cette année-là, un colis de faux timbres allemands envoyé au Portugal est saisi par les douanes françaises. Pensant avoir affaire à de vrais timbres, les douaniers accusent Jean de Sperati de ne pas avoir déclaré la valeur réelle du colis. Pour éviter une accusation de fraude fiscale, le faussaire avoue qu’il s’agit de copies. Mais l’expert nommé certifie dans son rapport l'authenticité des timbres, les évaluant à 223 400 francs ! Pris à son propre jeu, Sperati s’en sort en présentant au tribunal une explication des techniques utilisées.
Techniques qu’il a d’ailleurs détaillées dans un recueil “fait maison” intitulé “La technique complète de la philatélie d’art” (un ouvrage mis en vente le 19 octobre). Car Jean de Sperati se présentait comme un artiste et ses faux timbres comme des œuvres d’art.
La vie de Jean de Sperati ressemble à un film, digne d’un Catch me if you can /Attrape-moi si tu peux. Réalisé en 2002 par Speilberg, ce film s'inspirait de la vie de Frank Abagnale Jr, génie de la fraude bancaire et financière, roi de l’évasion et du déguisement, avec dans le principal Leonardo di Caprio.
Certains y ont semble-t-il déjà pensé. Selon la commissaire-priseur Caroline Tillié-Chauchard, la petite-fille de Jean de Sperati (à l'origine de la vente aux enchères) aurait été contactée il y a une dizaine d’années par un producteur, sans donner suite au projet.
Source : https://www.francetvinfo.fr/
Du : 25-10-2023