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Un peu de lecture
Ibn Khaldoun (1332-1406)
Bien qu’il fût un remarquable homme d’Etat de son temps, Abderrahman Ibn Khaldoun ne dut son immortalité qu’à ses magistrales oeuvres d’historien et de philosophe qui le placent parmi les plus grandes figures de la pensée universelle.
Il naquit à Tunis, le 27 mai 1332, au sein d’une famille andalouse d’origine sud-arabique, immigrée au Maghreb depuis plusieurs générations et renommée par le nombre de ses membres qui s’illustrèrent dans les domaines de la politique et des lettres. Ce milieu hautement cultivé et son excellente éducation allaient lui permettre de manifester très tôt ses dons de penseur génial.
Pendant trois quarts de siècle, sa vie va se dérouler au rythme tumultueux des événements de l’Occident musulman, celui des Mérinides au Maroc, des Hafsides en Tunisie, des Zianides et des Hammadites en Algérie, des Nasrides à Grenade et des Mamelouks en Egypte convoitée par le conquérant mongol Timur Lang (Tamerlan).
Très jeune, Ibn Khaldoun embrassa une carrière politique mouvementée au gré de son audience auprès des souverains, qui va l’entraîner de l’une à l’autre des capitales du Maghreb. Mais celle-ci n’interrompit nullement sa perpétuelle quête du savoir et ne l’empêcha guère d’assouvir la précoce passion d’écrire qui s’empara de lui dès sa dix-neuvième année où il acheva en 1351 un premier ouvrage traitant des fondements de la religion.
En 1375, las des intrigues à l’origine de ses pérégrinations à travers le Maghreb, il se retira à quarante-cinq ans à Kalaât Bani Salama, dans la localité de Taghzout, près de Tiaret, en Algérie, loin du climat vicié des cours agitées par les complots et les cabales, pour méditer et se consacrer, quatre années durant, à la rédaction de sa célèbre Muqaddima (Les Prolégomènes).
Ce discours sur l’histoire universelle qui est l’introduction de son maître Livre des considérations sur l’histoire des Arabes, des Persans et des Berbères (Kitab al ‘ibar fi tarikh al Arab wal Furs wal Barbar) va faire de lui non seulement un historien capable de définir les méthodes et les règles de sa science, mais aussi un précurseur de la sociologie et un philosophe de l’histoire.
Après ce bref intermède consacré à l’étude et à la recherche, Ibn Khaldoun va, pour changer d’horizon, se rendre en Egypte où, à cinquante ans, il entreprit cette fois une carrière d’enseignant et de magistrat qui occupera le dernier quart de sa vie.
Devenu très vite le plus proche conseiller et l’ami personnel du sultan mamelouk Barquq, il participa activement à la vie politique et intellectuelle de l’Egypte, tout en poursuivant ses activités d’écrivain. Lors d’une mission diplomatique à Damas, il eut à négocier en 1401 le sort de la ville auprès du fameux Timur Lang qui lui témoigna de grands égards en raison de ses qualités de politique consommé et de son immense savoir.
Ibn Khaldoun mourut au Caire le 17 mai 1406. Sa tombe au cimetière des Soufis (mystiques musulmans), près de Bab An Nasr, est, depuis, anonyme. En disparaissant, cet homme aux dimensions multiples laissa derrière lui une oeuvre qui occupe à présent une place de choix dans le patrimoine culturel universel.
L’appartenance de ce Maghrébin authentique concurremment revendiquée par l’Algérie, qui fut le berceau de l’éclosion de son génie, et d’autres pays n’empêche ni le Maghreb ni la nation arabe tout entière de s’enorgueillir à juste titre de ce grand penseur qui, par l’incontestable influence de ses théories sur le développement et le progrès de plusieurs sciences nouvelles, fait honneur à la culture arabo-musulmane.