Epreuve de Luxe
Un peu de lecture
Poteries algériennes
L’art millénaire de la poterie s’étend dans tous les massifs montagneux du Maghreb en passant par notre pays où il demeure riche et vivace. La poterie est née il y a 7 000 ans lorsque la culture de la terre a succédé à la pêche et à la chasse, en devenant la base matérielle et sociale des civilisations méditerranéennes.
Plates ou creuses, les poteries continuent, de nos jours encore, à être réalisées avec de l’argile broyée, humectée et assouplie à l’eau, sans coller aux doigts.
Depuis les temps les plus reculés, les méthodes de fabrication et de façonnage, comme les produits employés pour la décoration ainsi que la cuisson et les motifs ornementaux, ont très peu varié.
Les plats sont en général modelés sur d’anciennes formes par pression de galettes d’argile molle suivie d’un lissage à la main humide. Le façonnage des poteries, jarres et gargoulettes, s’effectue en plusieurs phases en laissant s’affermir la partie inférieure qui sera complétée, avant le séchage, par des colombins d’argile que la potière étire d’une main tandis que, de l’autre main, elle retient à l’extérieur la partie travaillée.
Pour polir ces poteries, galets, coquillages et bois lisse servent alors de polissoirs. Réalisée à l’aide de pinceaux de poils de chèvre enserrés dans une boulette d’argile, la décoration intervient une fois que les objets ont été enduits de kaolin et d’argile sursaturée de fer qui donne une coloration rouge foncé.
L’oxyde de manganèse, brun noir violacé, permet, quant à lui, le traçage des décors. Après un séchage lent et homogène, la cuisson de la poterie s’effectue traditionnellement au printemps sans four et à feu ouvert.
C’est ainsi qu’au sein d’une faible cuvette délimitant le foyer, les poteries sont soigneusement déposées sur une mince couche de bois fin. Le tout est recouvert de bouse séchée servant d’isolant, calé avec du gros bois.
La cuisson dure une ou deux heures selon la taille des pièces. Amphores, plats, lampes à huile, pots ou gargoulettes, toutes les poteries ont une fonction utilitaire. De formes pures, ovoïdes, décorées de figures ou symboles de la fécondité et de l’union des contraires, les poteries ont conservé à travers les âges leurs valeurs esthétiques symboliques.
Parmi les nombreuses figures, on retrouve la flèche symbole du principe fécondant mâle, l’éclair et la foudre célestes annonçant une pluie fertilisante. L’eau représentée par une ligne brisée, associée très souvent à l’image du serpent, symbolise, quant à elle, la nouvelle naissance et la régénération. Le losange pour la féminité et une croix en forme de X à l’intérieur pour la virginité sont également des motifs très utilisés.
La tête stylisée du bélier renvoie, elle, au symbole de la fécondité, alors que le serpent caractérise la résurrection des morts et le lien éternel de la terre. Les potières, aux mains miraculeuses, nous ont transmis, en dépit des aléas du temps et du danger de l’oubli et de génération en génération, le trésor inestimable des textes qui furent à la source de nos civilisations et de nos écritures.
A plus d’un titre, ce patrimoine culturel encore présent mérite d’être sauvegardé et perpétué.